La Grenouille dans le marigot du sport

Qui est le propriétaire ?

Je n’avais pas compris la réaction violente des dirigeants parisiens de l’UJSF.
Je n’avais pas compris pourquoi un rigolo de mon espèce avait provoqué de tels remous dans le marigot de la photo de sport.
Je savais que le Foot, le Rugby, le Basket et maintenant le Hand étaient la chasse gardée de grands médias et en particulier du groupe l’Equipe.
De là à imaginer que les ligues de Foot et de Rugby, et par voie de conséquence les fédérations (qui ont leur mot à dire), sortiraient un « MAGAZINE OFFICIEL » concocté, imprimé et commercialisé par le groupe Amaury ….
Les pattes m’en tombent !
Il n’y aurait rien d’étonnant à ce que le Basket et le Hand suivent un si bel exemple.
Je ne sais qui est aux ordres de qui ?
Si on regarde l’Ours c’est Marie-Odile Amaury qui est Gérante et Directeur Général.
Au fait, le groupe Amaury serait-il propriétaire du « MAGAZINE OFFICIEL » de la Ligue de Rugby et du « MAGAZINE OFFICIEL » de la Ligue de Foot ?
En voilà une question qu’elle est bonne, non ?
Une chose est sûre, toutes les photos de ces deux Magazines passent aussi sous les fourches caudines de l’Equipe et de son agence de photos sportives PRESSE SPORT !
Ce n’est un secret pour personne que l’UJSF est le bras armé du groupe Amaury. Il suffit de voir qui est aux commandes depuis sa création. Il va encore y avoir un serrage de boulons ?

« Il va y avoir du sport » avec les deux nouveaux quotidiens de sport qui vont sortir prochainement. « Mais cela ne nous regarde pas ».


Charte graphique quasi identique. Mise en page qui frise le copier-coller. Un joueur au premier plan et trois derrière. Les blasons des clubs …
Quand je vous disais que la création (ou l’imagination) n’était plus au pouvoir ….
Bien entendu, la PUB est gratos.

;-)





Et si on causait au lieu de s’engueuler ?

Enfin un journaliste dirigeant de l’UJSF qui accepte de débattre sans agressivité….
Qu’il en soit remercié.


Bonjour,
Je ne vous connais pas et vous ne me connaissez pas, mais je suis membre de l'UJSF depuis quelque vingt ans, président de la section Bourgogne, et je tenais à apporter quelques précisions au regard de votre mail précédent.
Je voulais d'abord vous dire en préambule que je suis dans cette union depuis longtemps, à titre totalement bénévole, et que j'y consacre beaucoup de temps malgré un emploi du temps de plus en plus chargé (je suis chef de service) et mon éloignement des grandes affaires nationales (je suis en PQR à Dijon). Je constate, pour aller souvent au comité directeur à Paris, que la plupart de mes collègues sont dans le même cas. Inutile de vous dire donc combien les attaques dont notre association fait l'objet de votre part nous chagrinent. Bien sûr, nous sommes des hommes et comme tels nous faisons des erreurs. Peut-être même certains d'entre nous sont-ils parfois critiquables sur leur moralité, mais quel groupe est sans tache ?
Sur le fond, je ne vois pas pourquoi vous soulevez cette polémique. En aucun cas l'UJSF ne s'arroge des droits qu'elle n'a pas. Pour répondre à votre question N°2 "Quelle loi a chargé L'UJSF d'interdire ou d'autoriser un photographe professionnel Indépendant français (sans carte de presse) de travailler en France sur les stades et dans les salles de sport ? ", je vous rappelle que le ministère des sports donne délégation aux fédérations sportives qui passent des conventions avec notre union, lesquelles conventions prévoient les installations nécessaires au haut niveau, mais aussi les conditions d'accès. Tout est écrit noir sur blanc et contresigné par l'UJSF et les différents partenaires, fédérations et ligues, des différents sports. Il n'y a là aucun fait du prince, mais le fruit de réflexion et de négociations de longue durée. Nous n'avons pas de pouvoir occulte ni de pots de vin pour convaincre nos interlocuteurs, juste des raisonnements de bon sens. Ces textes ont été conçus d'une part pour éviter que les clubs ne régissent les accréditations, ne rendent les accès payants et n'octroient d'accréditations qu'aux médias qui se contentent de dire du bien d'eux. Ils cherchent d'autre part à ce que les installations et les modes de fonctionnement soient les meilleurs possibles pour ceux qui travaillent dans les enceintes sportives. Ils visent enfin à ce que n'importe qui ne se bombarde pas journaliste. C'est une question de nombre (comment accueillir tout le monde ?) et de crédibilité (comment justifier au club qu'un supporter déguisé en journaliste raconte n'importe quoi, sans aucune éthique journalistique ?).
Ces règles doivent être appliquées sur place par les syndics locaux ou par les syndics nationaux pour les grands événements. Ces syndics ne sont pas des sadiques qui prennent plaisir à emmerder le monde. Ils donnent juste de leur temps pour que les règles soient respectées, pour que l'individualisme anarchique ne l'emporte par sur le collectif organisé. Là encore, ce sont des êtres humains, avec leur caractère et leurs limites. Certains sont hyper stricts, mais ils n'inventent pas de nouvelles règles. D'autres sont plus cool parce qu'ils ont de la place pour accueillir du monde, parce qu'ils en ont marre de se battre et d'être la cible de critiques injustifiées, parce qu'ils ont avant tout le boulot de leur média à assurer.
Au total, il n'y a pas une Union diabolique qui retire le pain de la bouche de pauvres photographes persécutés, mais juste une organisation reconnue par l'Etat, les fédérations, les ligues, les clubs et la majorité des journalistes. Pour ne pas se sentir lésé, il suffit donc de demander sa carte de presse et sa carte Sports Presse et d'arrêter ainsi de remuer de la boue inutilement.

Salutations
Philippe Croly-Labourdette



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La réponse de La grenouille

Bonjour Monsieur Croly-Labourdette,

Je vous remercie de consacrer un peu de votre temps au sujet qui préoccupe aujourd’hui de plus en plus de photographes de sport professionnels et indépendants.
Votre lettre montre que vous connaissez le milieu qui nous occupe et résume bien tous les témoignages que j’ai reçus ces dernières semaines.
Ma réponse constitue donc une réponse à toutes et tous ceux qui ont le souci de trouver une solution.

Vous concluez votre mail en me demandant de « d’arrêter de remuer la boue inutilement ».

Je me serais bien passé de la remuer si depuis maintenant 3 ans, mon ami Gérard VANDYSTADT, photographe de sport (et quel photographe !) n’était interdit de travail et donc de ressource financière à cause de l’UJSF.
Lui, comme d’autres photographes « sont à la rue » par la faute de certains responsables parisiens de l’UJSF qui leur interdisent de photographier dans les stades et autres structures au seul motif officiel qu’ils n’ont pas leur carte de presse.
Lui, comme d’autres sont en légitime défense. Je prends donc leur défense parce que leur situation est grave, leur « combat » est juste et vital et j’ajoute que c’est, chez moi, une tradition familiale depuis de nombreuses générations de défendre les valeurs républicaines.
Je ne suis plus, hélas, un poussin de l’année. J’ai 60 ans, j’ai fait plusieurs fois le tour de la planète pour photographier le sport en compagnie de photographes journalistes et je n’ai jamais eu de carte de presse. Sur les 5 continents, personne n’a jamais exigé que je produise la carte de presse française, sauf l’UJSF en France. Pour être juste je n’ai personnellement jamais eu à essuyer de refus de la part de l’UJSF car je ne photographie aucun des 4 sports ayant signé une convention.
Bien entendu, je ne suis pas le seul photographe dans ce cas. Bien entendu, je suis photographe, pas « pauvre », merci, ça va pour moi (pas riche non plus). Je ne suis pas journaliste, je n’ai jamais demandé à l’être pour la simple raison que je ne diffuse pas en presse mais que je fais des livres de sport, des expo, etc….. Tout ce que ne font pas, en général, les photographes journalistes, titulaires de la carte de presse, pour la quasi totalité salariés d’un média. Nous ne sommes même pas concurrents. C’est tout dire …..
Les journalistes sont payés en salaire, Gérard, d’autres et moi, en droit d’auteur. Tout cela en respectant la légalité républicaine, à savoir le Code de la Propriété Intellectuelle. Et bien entendu, en payant nos impôts.

Donc, je remue la boue, comme vous dites, parce que de « GENTILS BENEVOLES » comme Messieurs DECARNELLE, RENAULT et LEMAURE …. à Paris, m’obligent à la remuer.

- Vous précisez, qu’il « suffit de demander la carte de presse pour ne pas se sentir lésé ».
Ce n’est pas si simple, la demander est une chose, l’obtenir en est une autre. Et d’ailleurs pourquoi demander une carte de presse si l’on n’est pas journaliste, mais simplement photographe ?
Je vous rappelle que 92% des photographes professionnels ne sont pas « journalistes » et n’ont pas de carte de presse.
Dans l’éventualité où, pour faire plaisir à l’UJSF, le photographe fait sa demande, ce n’est pas pour autant qu’il l’obtiendra. Gérard VANDYSTADT (le photographe de sport le plus actif et… célèbre de France depuis  plus de 20 ans) a fait sa demande en 2005 et on lui a refusé parce qu’il ne rentrait pas dans les critères économiques indispensables. Je tiens à votre disposition la lettre recommandée de la CCIJP.
Il y a de plus en plus de photographes à qui on refuse tout simplement la reconduction de leur carte.
Ils ne peuvent bénéficier que de la carte de presse honoraire à la condition de faire valoir leur droit à la retraite (à 60 ans au moins) et avoir 30 ans de carte de presse.
Les jeunes au chômage, les vieux au boulot !
Il n’y a qu’en France où l’on voit un truc pareil, attendre la retraite pour avoir le droit de travailler. Même notre cher Président n’y avait pas encore pensé... à la différence du grand et talentueux humoriste (et grand chasseur de conneries à la française), Fernand Raynaud dans son célèbre sketche "J'm'amuse" !

- Vous évoquez « l’éthique journalistique », sous entendu pratiquée par les seuls possesseurs de la carte de presse. Certes, c’était l’intention première lors de la création de la CCIJP à la Libération. Que penser de l’attribution de la carte à des centaines de salariés de médias qui sont journalistes « comme moi, je suis archevêque ». Que penser de ces photographes de presse qui n’hésitent pas à trafiquer leurs photos au point que notre Président de la République se retrouve sur 3 pattes.
Parlez moi d’amour, mais d’éthique …
Je suis certain que tous obtiendront leur renouvellement l’année prochaine. Le pouvoir économique est bien plus fort que l’éthique. Ce n’est pas à 60 ans qu’on fait la révolution, quoique par les temps qui courent, tout est possible.

- Vous me dites que l’UJSF a « délégation du ministère des sports » pour signer des conventions avec les Fédérations. Certes, mais cette délégation vous autorise-t-elle à aller contre le Code du Travail Français et le Droit International ?
J’ai en ma possession les conventions signées entre l’UJSF (ou l’USJSF) et 4 Fédérations sportives. Il est vrai que dans certaines il est indiqué que la carte de presse française est obligatoire. Cela ne veut pas dire que ce soit légal. Ce sont deux associations qui ont « écrit noir sur blanc » qu’il fallait une carte de presse pour faire des photos, pas le parlement (loi), pas le gouvernement (décret).
Voilà des mois que nous avons demandé à l’UJSF de nous fournir le texte de la délégation ministérielle. Nous attendons toujours.

Je pense, et je ne suis pas le seul dans ce cas, que l’UJSF s’est tout simplement octroyé ce droit.

Voilà 10 ans, cela ne portait pas trop à conséquence car tous les photographes vendaient à la presse et gagnaient leur vie. Mais aujourd’hui, si on cumule : AFP+AP+Reuter’s+Getty+Corbis, il ne reste presque plus rien pour les photographes professionnels indépendants, sinon queues de cerises et… prix cassés.
Si on ajoute à cela le fait que, par exemple, lors d’un Match France-Espagne (en France), l’UJSF autorise les photographes espagnols qui n’ont ni carte de presse française ni carte de presse espagnole (car elle n’existe pas en Espagne), mais interdit l’accès aux photographes Français .
Comment allez vous défendre cela devant la Commission Européenne ?

- Vous me dites que ces conventions sont aussi faites pour empêcher certains « d’octroyer les accréditations aux médias qui se contentent de dire du bien d’eux ».
Préoccupation louable, mais que dire des Ligues de Foot et de Rugby qui ont signé des conventions avec l’UJSF et qui ont confié la conception, la fabrication et la commercialisation de leur « Magazine Officiel » à un seul média à savoir le Groupe Amaury et dont 100% des photos sont faites par les photographes de l’Equipe, via l’agence de photographie Presse Sport, propriété de ce même groupe ?
Ne pensez-vous pas que tout cela sent le deal à plein nez ?
Vous êtes en train de vouloir justifier l’injustifiable.
Certes, les choses sont différentes en province (« les syndics sont plus cool ») et à Paris. Les chefs ne sont pas là et le Stade du BO n’est pas le Grand Stade de France. Les matchs internationaux se font principalement à Paris et c’est là que l’interdiction de travailler est maintenant totale. Evidemment que le responsable de la région Bourgogne est loin de vivre ce qui se passe à Paris, et est-il au courant de tout ce qui s’y passe ?

- Vous me dites que le syndic est « plus cool avec les photographes qui n’ont pas de carte de presse lorsqu’il reste des places ».
On pourrait vous croire si on n’avait la preuve du contraire lorsqu’une brochette de «rigolos» occupait les places de photographes professionnels derrière les buts lors du match Anniversaire du 12 Juillet dernier. Tous munis de leur téléphone portable pour faire des photos. J’ai des dizaines de photos qui prouvent qu’il reste des places et que des photographes professionnels indépendants se sont vus interdire les stades parisiens.
Avec tout ce que j’ai reçu ces 2 dernières années, j’ai de quoi faire un livre de photos de tribunes de presse, de salles de presse et de places photographes, et je remercie au passage ces collègues cartés qui participent à leur façon à la défense de la profession.

- Je suis d’accord avec vous pour dire que les syndics dans leur immense majorité ne sont ni des « sadiques » ni des « emmerdeurs ». Je suis persuadé qu’ils font au mieux et de mon point de vue certains sont même héroïques d’aller à l’encontre des orientations nationales de l’UJSF en laissant passer des photographes indépendants sans carte de presse. L’Agence REGARDS DU SPORT leur doit une fière chandelle. Ils les laissent passer tout simplement parce qu’ils savent à qui ils ont à faire. Ils ne font pas preuve d’humanisme (bien que …) mais ils respectent, eux au moins, tout simplement, le droit au travail et le respect dû à de grands professionnels.

Oui mais voilà, pour faire des photos de l’Equipe de France de Foot, de Rugby, de Basket ou de Hand, ils ne sont pas aux commandes. Là, c’est chasse gardée, pour qui et pour quoi !

- Vous répondez seulement à une des 2 questions posées en m’opposant, certes avec moins d’agressivité,  les mêmes arguments avancés par certains de vos collègues depuis deux ans ; mais à la première question, personne ne répond.
Y répondre, c’est d’abord admettre la réalité et donc arrêter de fantasmer, mais aussi reconnaître ce que toute la planète reconnaît, à savoir qu’un photographe peut être seulement un photographe et qu’à ce titre il n’a pas besoin de carte de presse pour travailler. D’ailleurs le droit français le reconnaît au travers du Code de la Propriété Intellectuelle. Seule l’UJSF ne le reconnaît pas. Et bien entendu, répondre serait reconnaître de fait l’illégalité de la mesure.
De la même manière qu’un peintre ou un musicien n’a pas de carte professionnelle, un photographe n’en a pas besoin. Un journaliste, oui.

L’UJSF veut donc éliminer certains photographes. Selon moi, pour éliminer une certaine concurrence.

En fait, exiger la carte de presse de la part de quelqu’un dont on sait par avance qu’il ne peut l’avoir revient à utiliser un artifice pour contourner la loi et de plus, faire porter la responsabilité sur la CCIJP dont on sait qu’elle ne peut donner cette carte si elle respecte la légalité.

C’est tout simplement, vicieux !

J’ajoute que les stades et les gymnases ne sont pas des bases militaires où il est interdit de photographier. Ils sont la propriété des contribuables qui les ont financés complètement ou partiellement avec leurs impôts.
Il ne reste plus qu’à leur interdire à eux aussi de faire des photos. Il y en a des bons parmi eux et d’ailleurs, tous les photographes salariés, aujourd’hui, avec carte de presse ont commencé comme cela.
Faut-il tarir la source ?

Pour résumer, je suis d’accord avec vous sur l’utilité d’une organisation représentant les journalistes et photographes afin qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions. Je considère que l’UJSF est sans doute indispensable pour accomplir cette mission et je reconnais qu’elle a fait du bon travail dans ce sens, mais il reste beaucoup à faire pour les photographes... la preuve !
Je n’ai qu’un seul point de désaccord qui concerne les photographes professionnels indépendants. Ils doivent pouvoir travailler (sous certaines conditions à inventer) sans être munis de la carte de presse.

En tant que Gérant de l’Agence de photographies sportives REGARDS DU SPORT (composée aussi, et comme partout, de photographes indépendants), j’ai fait des propositions concrètes pour entamer le dialogue et trouver un terrain d’entente. Tout cela est resté lettre morte. Ces propositions ne faisaient qu’acter les pratiques de bon sens dont vous parlez et qui existent heureusement, avec bonheur parfois, en province.

Je ne demande qu’à « arrêter ainsi, un jour, de remuer la boue inutilement ».

En vous remerciant encore de votre contribution,
Bien cordialement.

Daniel CASTETS